En ce début d’été, Amica Travel aborde un sujet mythique des forêts d’Asie du Sud-Est : le python.
Le python est un reptile qui appartient à l’ordre des squamates (comprenant notamment les lézards et les serpents), et à la famille des Pythonidés (Pythonidae). Celle-ci comprend divers genres dont, entre autres :
On dénombre une trentaine d’espèces de pythons et une vingtaine de sous-espèces vivant en Inde, en Asie du Sud-Est, en Afrique et en Australie.
Sur la péninsule indochinoise, on rencontre principalement :
Grands serpents prédateurs, leurs longueurs oscillent entre cinquante centimètres jusqu’à plus de dix mètres pour le python réticulé, qui détient la palme de plus long serpent au monde, en concurrence avec l’anaconda. Leurs poids varient entre soixante à plus de cent quarante kilos à l’âge adulte.
La robe du python réticulé varie du brun clair, et comporte des motifs complexes en forme de losange brun-sombre et ocre-jaune, plus ou moins réguliers, parfois tachetés de brun, permettant des reflets irisés. Sa tête est uniformément brune clair avec trois fines bandes noires, une sur le sommet du crâne et deux sur les côtés qui partent de ses yeux, ces derniers étant orangés.
Le python molure dispose lui d’une livrée uniformément nuancée comprenant des tâches assez géométriques brun-vert, cerclées de noir, dessinées régulièrement sur le fond beige rosé de la face dorsale. Une flèche sombre apparait sur le dessus de la tête. Ces colorations à première vue criardes et contrastées servent de perturbateurs visuels qui masquent les contours et rendent le reptile paradoxalement camouflé.
Solitaires, ces pythons vivent de vingt à plus de trente ans. Ils affectionnent une grande variété d’habitat comme :
Ils sont parfois présents dans des terriers de mammifères abandonnés, des troncs d’arbres creux ou dans la mangrove. Ils s’établissent souvent à proximité d’une source d’eau permanente.
Redoutés tout comme le tigre et le gaur, ces pythons se nourrissent d’oiseaux, de petits rongeurs mais aussi de plus grosses proies comme des singes, des biches, des cochons sauvages, des petits ours et des hommes. Chasseurs embusqués dotés d’une détection infrarouge, ils s’activent surtout la nuit, se terrant au sol ou dans un arbre dans l’attente de surprendre leur victime, pour l’étouffer et l’étreindre méthodiquement, avant de l’avaler entièrement. Après quoi, s’ensuit une digestion de plusieurs heures à plusieurs semaines selon la prise ingurgitée, pendant laquelle la masse des ventricules du cœur peut grossir jusqu’à quarante pour cent, la demande en oxygène de l’organisme étant sept fois plus importante qu’à la normale. Une période qui rend ces pythons rassasiés particulièrement vulnérables aux prédateurs.
Dans la religion grecque antique, la Pythie (en grec ancien Πυθία), également appelée Pythonisse, tire son nom de « Python », le serpent légendaire et monstrueux (aussi caractérisé de dragon femme), fils de Gaïa (la Terre) ou bien d’Héra, qui habite le mont Parnasse, au nord-est de la cité de Delphes (originellement nommée Pythô), le site religieux le plus important de l’époque. C’est ici que le dieu Apollon dresse son temple vers le VIII-VIIe siècle avant J.-C. après avoir terrassé le reptile qui veillait sur l’oracle de Delphes, consacré primitivement à Thémis (fille d’Ouranous et Gaïa). Après un exil purificateur de neuf ans, et ce afin d’apaiser la colère de Gaïa, Apollon crée notamment les Jeux pythiques ou Jeux delphiques, les plus importants Jeux panhelléniques après ceux d’Olympie.
Du VIIe au IVe siècles avant J.-C., la Pythie, ou prêtresse de Delphes, officie dans une grotte proche du temple en tant qu’interprète d’Apollon, où elle y délivre ses oracles, et ses prophéties hallucinatoires – après avoir atteint un état de transe ou d’état d’enthousiasme (d’après l’expression grecque entheos qui signifie avoir le dieu avec soi) – auprès de rois, de généraux, de colons, et de citoyens qui la consultent.
Plus localement, dans les jungles d’Asie du Sud-Est, le python donne lieu à toutes sortes de récits fantastiques. Comme le souligne N. Vidal dans les Jungles Perdues, Éditions Capucin, 2003, p. 230. : « son regard magnétique irrésistible aurait le pouvoir d’envoûter les humains qu’il dévorerait ensuite. Les pythons sont aussi les seuls êtres vivants capables d’atteindre les mondes célestes autrement qu’en mourant ou en entrant en transe. Ils sont considérés comme des ermites, parce qu’ils se couchent en rond pour digérer et qu’ils s’imposent souvent de longs jeûnes. »
À la fin des années 1930, le reptile est à l’origine d’un courant religieux et révolutionnaire qui enflamme le haut-plateau, le mouvement messianique du Dieu Python. Ses habitants, appelés Moï ou Montagnards par les colons, et notamment les Jaraï, Edé, Sedang et Katu, tiennent pour conviction que le mythique Dieu Python, commun à tous les groupes ethniques du haut-Plateau, est revenu sur terre pour annoncer l’âge d’or. Cet âge d’or serait précédé d’un cataclysme au cours duquel un typhon-séisme de six jours et six nuits renverserait arbres et forêts, et bouleverserait les montagnes de telle sorte que le pays deviendrait absolument plat. Seraient épargnés uniquement les Montagnards qui se conforment à certaines prescriptions, notamment la possession d’une eau magique (eau lustrale ou eau influxe), et des grains de riz magiques, des éléments distribués par Sam Bram (ou Ama Cham, « le père des Chams ») le prophète et l’incarnation du Dieu Python. Tous les autres, y compris les étrangers incluant Kinhs et Français, seraient détruits. Ce mouvement eu pour caractéristique de regrouper des groupes ethniques éloignés, isolés et indépendants sous l’effet d’un courant mystique. Le sorcier fut finalement maté par la sûreté française.
Ce mouvement considéré pour certains de millénariste est comparable à celui du Culte du Cargo chez les aborigènes à la fin du XIXème siècle en réaction à la colonisation de la Mélanésie (Océanie), ou à la Ghost Dance des Indiens d’Amérique du Nord ayant tous deux proclamé la venue d’un prophète prédisant un âge d’or.
Désormais le python ne se retrouve que dans le fond des dernières grandes forêts de l’Indochine péninsulaire, notamment dans celles du Xe Xap NBCA au Sud Laos ou dans celles du parc national de Virachey au nord-est du Cambodge.