Le fief des Sœurs Trung se situe dans une majestueuse boucle formée par le fleuve Rouge, dans la province de Phu Tho, un peu au sud-ouest de la ville de Viet Tri et au sud-est de celle de Phu Tho. Cette région se distingue par le fait d’être la terre natale des Sœurs Trung, pour l’aspect fluviatile de ses campagnes, et pour le fait d’être le point de jonction de trois rivières principales du Nord Vietnam : la Claire, la Noire et la Rouge. La région est le pays natal des Sœurs Trung, les Jeanne d’Arc du Vietnam, qui s’illustrent contre la domination chinoise. Les Sœurs Trung (littéralement, les Deux Dames Trung) mènent une rébellion contre la première domination chinoise du Vietnam, en l’an 40 ap. J.-C.
Au nord, le fief des Sœurs Trung est dominé par la masse boisée des monts du Tam Dao, au sud par la montagne de Ba Vi, en son centre, le secteur est enveloppé par une boucle du fleuve Rouge, formant ainsi une défense naturelle sur ses façades ouest, sud, et est. A l’est, vers Viet Tri, le secteur borde l’embouchure de la rivière Claire dans le fleuve Rouge, en sa partie sud, il borde celle de la rivière Noire et du fleuve Rouge, conférant ainsi un aspect fluviatile à la région. En sus ou par conséquent, elle est jadis en partie marécageuse, tous ces cours débordant régulièrement, créant des crues et formant marécages et plans d’eau ; espaces par la suite aménagés ou en partie transformés en rizières, le principal se situant dans le centre de la boucle du fleuve Rouge, à l’est du village de Cao Sau.
A l’époque, ces réseaux inextricables de rivières et de marais rendent la région labyrinthique et de ce fait adapté aux techniques de guérilla instaurées par les Sœurs Trung. La région est de ce fait nommée Pays des Hommes-crocodiles par les annales chinoises.
Avant la colonisation céleste, le secteur délimite la partie boréale des peuplements de la civilisation du Dong Son. La région est peuplée par les groupes des Lacs (les ancêtres des Vietnamiens/Khins), c’est l’âge du bronze au Vietnam ou culture du Dong Son. Leur artefact le plus frappant est le tambour en bronze qu’ils coulent et décorent splendidement. Les tambours font battre le cœur des villages et des clans du delta et les hautes terres avoisinantes. Ils sont joués lors des fêtes et des funérailles, ils servent à rassembler les guerriers des clans en cas de guerre.
Environ une décennie après l’imposition des lois sur le mariage par la dynastie Han, Su Ting un nouveau gouverneur chinois est nommé dans la région du delta du fleuve Rouge, selon les sources chinoises elles-mêmes, il est le pire des administrateurs, corrompu il impose des taxes de plus en plus lourdes au peuple. Les tambours de bronze se mettent à vibrer dans les collines, battant de leur mécontentement à l’égard de ce gouverneur, parmi les mécontents se trouvent un souverain local nommé Thi Sach et sa femme, Trung Trac. Thi Sach se plaint avec véhémence du traitement réservé à la population et il est tué pour ses protestations.
Trung Trac décidé qu’il est temps de se libérer du joug chinois, elle enrôle sa sœur, Trung Nhi. Elles réunissent les chefs de clan locaux et les incitent à se battre. Les forces combinées comprennent un certain nombre de généraux, hommes et femmes. La rébellion débute au printemps 39 ou 40. Les tambours appellent les combattants non seulement du delta, mais aussi des provinces voisines, et leur armée croissante inclut des hommes et des femmes. Selon la légende, les sœurs montent des éléphants de guerre et dirigent les armées. La fin de la campagne de printemps est marquée par d’éclatantes victoires.
Le peuple se rassemble et proclame Trung Trac, la sœur aînée, reine. Elle commence son règne bienveillant en l’an 40, établissant sa capitale près de Hanoi. Son premier acte en tant que reine est d’abolir les taxes imposées par les Chinois. Elle favorise le commerce à la fois par la mer et par des sentiers forestiers vers les Hauts-Plateaux. Ces deux pratiques suggèrent une volonté de restaurer les coutumes des Vietnamiens de souche, et de favoriser la prospérité qui avait toujours accompagné le commerce dans le delta.
L’empereur Guangwudi ne veut pas laisser les sœurs Trung à la tête de ces provinces prospères dans ce qu’il considère comme la Chine du Sud. Le problème est en partie lié à leur sexe. À l’été 42, l’empereur nomme un général pour diriger l’expédition contre les Sœurs. Il choisit Ma Yuan, un général célèbre mais âgé qui a récemment réprimé d’autres rébellions contre les Han. Celui-ci a vingt mille hommes à sa disposition et, comme il manque de bateaux pour transporter les troupes par mer, il commence le voyage par voie de terre. Il lui faut un an pour atteindre le delta. Les chroniqueurs ne relatent aucun affrontement militaire au cours de sa longue marche, mais ses forces doivent faire face à de mauvaises conditions météorologiques et de terrain, au paludisme.
Finalement, les sœurs Trung décident de l’engager. Selon une source, seule la plus jeune des sœurs, Trung Nhi, se présente avec son armée pour affronter Ma Yuan. Les Chinois sont affaiblis et en infériorité numérique, mais l’habileté du général compense ces faiblesses : la discipline des soldats chinois permet de faire face aux charges chaotiques des forces des Sœurs, et elles sont battues. Les Sœurs Trung se replient dans le district de Cam Khe à l’ouest et y rassemblent une partie de leurs forces restantes. Il faut quelques années à Ma Yuan pour suivre les forces rebelles, et pendant ce temps, Trung Trac et Trung Nhi livrent diverses batailles contre les forces célestes. Elles se replient dans les collines et les forêts. À la fin, Ma Yuan capture les deux Sœurs, les noie et coud leurs têtes qu’il fait envoyer à l’empereur, à Luoyang, pour prouver sa victoire.
De nos jours le secteur des Sœurs Trung s’étend autour de ce qui reste de ce vieux marécage central autour duquel se situent diverses communes : Lam Thao, So’n Du’ong à l’ouest, Hung Son au nord-est, Thuy Van vers le nord-est, Cao Sau et Cao Xa vers le sud-est Hung Hoa, au sud sur la rive droite du fleuve Rouge.
Jadis, Hung Hoa est le centre administratif de la province de Phu Tho. Les annales décrivent ainsi le secteur : … Le pays de Hu’ng-hoa, duquel dépendit le Hoa-Binh et plus tard le So’n-la forma autrefois le bo de Tan-hu’ng. Sous les Han, Nam-trung ; sous les T’ang, huyen de Tan-xu’o’ng dépendait du Phong-chau ; sous les Ly, Lam-tai et Dang-chau. Les Tran, dao de Da-giang, changé en suite en chan, puis dénommé Thien-hu’ng en 1397. Les Ming le divisèrent en Gia-hung et en Qui-hoa… Une citadelle, percée de 4 portes, fut élevée à Chu’c-ti sous Minh-mang et démolie en 1896 sous Thanh-tai. Elle avait 360 tru’o’ng de circonférence et I tru’o’ng de sich et I thon de hauteur. La ville administrative annamite, armée en 1884 par les Pavillons noirs de Lu’u-vinh-phuc, fut occupée le 13 avril la même année par les Français conduits par le général Millot (Madrolle Indochine N).
Les communes du secteur des Sœurs Trung sont en elles-mêmes assez représentatives des vieux villages du fleuve Rouge puisque d’aspect semi-circulaires et entourés de haies de bambous et de rizières formant ainsi d’autres défenses naturelles. Les villages sont pavés de petites ruelles aux murs étroits, les jardins luxuriants donnent généralement sur des plans d’eaux, des canaux et des rivières ; chaque communauté possède un petit temple ombragé par de vieux banians.
L’est de la région des Sœurs Trung est en partie le théâtre de la Bataille de Vinh Yen, engagement sanglant de la Guerre d’Indochine. Le secteur est également connu pour le fait d’être le site de restitution des prisonniers de Dien Bien Phu (juillet 1954).
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Bonjour,
J'aurais voulu savoir si vos images sont libres de droit ? Je souhaiterais en utiliser une sur les réseaux sociaux afin de partager l'histoire des sœurs Trung.
Merci d'avance,
Bonne fin de journée,
Marine
Bonjour Marine,
Vous trouverez le noms des auteurs en légende. Celles où rien ne figure sont libres de droit.
Bel hiver à vous,
L’équipe 360 Indochine, blog d’Amica Travel.