Au sud-est du Delta du fleuve Rouge, à environ 100 km de Hanoi, Nam Dinh est l’une des plus importantes provinces rizicoles du pays. C’est ici que l’on retrouve encore aujourd’hui l’image antique de la campagne vietnamienne : des villages flottant au milieu des rizières vertes, sillonnées de canaux d’irrigation. De cette verdure infinie se détachent, par-ci, par-là, d’anciennes églises catholiques.
Nam Dinh, par sa situation côtière, est l’une des premières portes d’entrée du catholicisme au Nord Vietnam. Pays natal des rois Tran (13ème siècle) qui ont initié la « marche vers le Sud » de l’ancien Dai Viet, Nam Dinh est aussi une terre de tradition bouddhique et confucéenne.
A part la riziculture qui constitue sa principale source de revenu, Nam Dinh est connu par la saliculture. Le plus grand marais salant du nord Vietnam, Bach Long ou le Dragon blanc, s’y trouve.
Le sel se produit dans toutes les régions côtières du Vietnam, du nord au sud. Mais, la salinité étant différente dans chaque région, les techniques de production le sont également.
Dans le centre et le sud du pays, comme l’eau de mer est plus salée, on pratique la méthode « sécher l’eau ». C’est à dire après avoir capturé de l’eau de mer dans les marais salants, on attend jusqu’à ce que l’eau se s’évapore et que le sel se cristallise.
Dans le nord, la salinité de l’eau est faible en raison des eaux du fleuve Rouge, le sel est obtenu par un long processus comportant une étape intermédiaire appelée « séchage du sable », ce qui rend la production plus compliquée et plus dure.
Au marais salant Bach Long à Giao Thuy, Nam Dinh, les saliniers se mettent au besogne au bon matin. Tout d’abord, ils ramassent du sable, en transportent avec des charrettes puis en étalent en couche très fine sur les terrains rectangulaires et plats. L’eau de mer est conduite dans la zone de production par des canaux creusés, puis s’imprègne dans chaque cadre par un système capillaire. Sous le soleil, l’eau s’évapore alors que la couche de sable absorbe déjà une certaine dose de sel. Le processus se répète encore une fois pour que le sable soit vraiment salé avant que l’on ne filtre avec un outil particulier qui s’appelle « chat », afin d’obtenir de l’eau qui est plus salée que celle au début.
C’est seulement à ce moment qu’on peut effectuer l’étape suivante : sécher l’eau filtrée sur le champ pour attendre la cristallisation. Vers 15 ou 16 heures, les grains de sel apparaissent sur le marais et c’est le bon moment pour commencer la récolte. Sous le soleil brûlant, les saliniers continuent assidûment leur travail à dos courbé, râteau à la main et avec leurs tenues mouillées de sueur.
Si la journée est bien ensoleillée, ils pourront rentrer en poussant des charrettes ou en portant des palanches toutes blanches de sel. Les produits de chaque jour sont stockés ensuite dans une cabane près du marais. Après 3-4 jours, le salinier va vider la cabane en transportant du sel à la coopérative pour le vendre.
L’image des chapeaux coniques et des silhouettes courbées sur le marais salant Bach Long devient depuis longtemps objet artistique de plusieurs photographes et écrivains, ce qui laisse place à une belle imagination de ce métier traditionnel ainsi que de l’assiduité des paysans vietnamiens. Cependant, derrière cette belle image, plusieurs préoccupations persistent.
En effet, actuellement, le nombre de saliniers a connu une baisse importante par rapport aux années précédentes, ce qui implique la baisse de la quantité de production. Plusieurs raisons pourraient expliquer la situation : faible revenu, possibilité d’aller en ville pour trouver d’autres emplois, difficultés de production liées au changement climatique…
A Bach Long, on voit souvent des femmes, des enfants et des personnes âgées travaillant sur les marais. Les jeunes hommes ont tendance à partir chercher un emploi dans d’autres domaines industriels. Sinon, dans le village, certains foyers ont abandonné la saliculture pour pratiquer l’aquaculture. Sécher du sable – filtration pour augmenter la salinité – récolter du sel sous la chaleur torride, voici une longue procédure cyclique qui demande au salinier d’avoir une bonne santé́, une bonne assiduité, de la patience et aussi de l’habileté. Cependant, pour chaque kilo de sel récolté, le salinier n’en gagne qu’environ 1500 à 2000 dongs (soit environ 0,1 euros). Chaque jour ensoleillé, une personne pourrait produire environ 20-25 kilos de sel, ce qui donne un revenu moyen de 500.000 dongs/mois (environ 21 euros). Et c’est instable, car que faire durant les mois de pluies et de tempêtes ?. Les grains de sel sont brillants comme des cristaux de mer, mais ils portent une saveur aussi salée qu’est pénible le travail des personnes qui en produisent.
En plus, il faut rappeler que dans le passé, sous la colonisation française, le sel était une denrée d’exportation importante du Vietnam. Par contre, depuis ces dernières années, le pays a du importer du sel, car bien que la quantité de la production sur place puisse répondre aux besoins domestiques, la qualité du produit, qui est beaucoup influencée par les techniques anciennes et arriérées, n’est pas assurée.
Actuellement, des projets d’études cherchant à moderniser les techniques de production du sel ont déjà été lancés, dans le but d’aider des saliniers à réduire la difficulté de travail, tout en améliorant la quantité et la qualité du produit. Ces démarches sont d’autant plus importantes, car elles vont contribuer à la préservation d’un métier traditionnel qui fait partie de l’identité de la province de Nam Dinh.