Sur les traces de Marie Ier, roi des Sédang

En voila un personnage truculent, une histoire rocambolesque ! Si il inspira André Malraux, qui l’appelait son «fantôme de gloire», pour l’écriture de son roman inachevé et intitulé Le Règne du Malin, il aurait pu tout aussi bien inspirer Coppola à la place de Joseph Conrad pour le personnage du colonel Kurtz dans le film Apocalypse Now. Mais qui est donc Marie Ier, roi des Sédang ?

Un sacré gaillard de 1m85, d’une belle prestance, portant fièrement la barbe et les beaux costumes. Auguste-Jean-Baptiste-Marie-Charles David, dit David de Mayrena est un ex-officier chez les Spahis (il a participé à l’annexion de la Cochinchine), séducteur, duelliste éprouvé (il a occis un fâcheux à l’épée), il mène sa vie sur les grands boulevards et les cabarets parisiens. Il quitte l’Europe en 1885 non sans avoir soutiré de l’argent au richissime baron Seillière pour financer une exploration scientifique dans le sultanat d’Aceh, en Indonésie.

Arrivé à Saigon avec son frère, il change de projet mais garde le pécule. Après avoir dépensé l’argent du baron Seillière, il organise différents trafics (armes) et des escroqueries. En 1888, craignant que les Siamois, poussés par les Allemands, ne pénètrent du Laos dans les Hauts Plateaux, alors sous influence des missionnaires français, le Gouverneur général Constans a l’idée d’essayer de créer une ligue des minorités bahnar, jaraï, et sedang et charge David de Mayrena de partir là-bas sans mission officielle pour essayer de créer cette ligue. En cas de réussite, l’aventurier serait déclaré officiellement Chef de la Fédération moï.

À part quelques intrépides missionnaires et quelques aventureux installés à Kon Tum, nul Français n’ose s’y aventurer. Trop dangereux, trop insalubre. C’est justement ce qui plaît à Mayréna. Cette absence de fonctionnaires et de militaires lui laisse le champ libre. Une terra incognita dont lui, qui rêve à Cortès et à Pizarre, sera le conquistador.

Avec une colonne de quatre-vingts coolies et quinze tirailleurs annamites il va se frayer un chemin à travers la jungle et s’y tailler un royaume. En six mois, son audace, son panache et son charisme aboutissent à ce prodige dont toute l’Indochine va bientôt faire des gorges chaudes : Mayréna se fait élire roi des Sédang (les plus redoutables et les plus belliqueux de tous les Moïs qu’il fédère), sous le nom de Marie Ier. Son énergie est inépuisable.

Il établit une constitution, légifère, crée une armée avec 20 000 hommes, dote son jeune État de tous les attributs de la souveraineté, fait la guerre aux insoumis, notamment aux groupes voisins  Katu, Jaraï et Bahnar, et quitte sa nouvelle patrie pour aller demander le protectorat de la France. Mais celle-ci choisit de l’évincer du royaume qu’il a créé. A l’issue d’une lutte acharnée, le célèbre roi boulevardier mourra empoisonné  dans une île malaise en novembre 1890, après avoir échoué à reconquérir son trône éphémère.

« Conquérir un royaume » : voilà le rêve fou que Mayréna réussit à mettre en œuvre. Cette histoire reste le symbole d’une époque où tout était encore possible, et notamment la conquête de territoires quasi inconnus avec des moyens dérisoires. Elle vient s’inscrire dans la légende d’une Indochine fantasmée et des flamboyants seigneurs de la guerre comme le furent Déo Van Long seigneur féodal et président de la Fédération Thaï , le lieutenant Dominique de La Motte qui pacifia la Plaine des joncs, Vuong Duc Chi roi du peuple hmông qui règna dans la province de Ha Giang ou encore Jean Boulbet, roi des Moïs du Sud (Cau Maa’).

Si vous souhaitez marcher sur les pas de David de Mayrena, Amica Travel peut inclure un module d’immersion dans les Hauts Plateaux du Centre, terres de légendes marquées par l’empreinte de l’histoire.

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