En cette édition, nous revenons sur le haut plateau central et abordons le sujet de son exploration.
À la fin du XIX ième siècle, la carte de l’Indochine française est maculée de taches-blanches, notamment dans le haut plateau central, région mythique où de rares étrangers s’aventurent, pour, souvent, ne pas en sortir.
Un moment le barrissement furieux d’un éléphant éclate dans la nuit et brusquement dans cette obscurité intense, où le vent mugît, où rampent les menaces de la jungle, l’on se sent envahi d’une immense sensation d’isolement complet, de solitude absolue et, coupé de toute relation avec le monde extérieur, on a l’étrange impression d’être ignoré perdu oublié dans un pays de rêve d’où l’on ne sortira peut-être jamais (Henri Maitre. 1912).
Les premières mentions européennes sont issues des archives jésuites, eux même à peine renseignés par les notes du père portugais Joao de Loureito et celles du père Alexandre de Rhodes.
Un des premiers explorateurs du haut plateau est le docteur Alexandre Yersin.
À partir du début du XX ième siècle d’autres missions prospectent divers axes et sont généralement confrontées à l’hostilité des confédérations concernées :
Non loin, au sud du pays sedang, s’étend la confédération jaraï, à l’époque puissante et contrôlée par des rois-sorciers ou Sadets : le roi du feu (patau pui), le roi de l’eau (patau ia) et le roi du vent (patau ya) ; les deux premiers devant à l’origine incarner Agni, dieu du feu et Varouna, dieu des eaux, croyance héritée des Cham brahmaniques.
Le roi du feu détient des fétiches : le fruit d’une liane, cueilli à l’époque du déluge, dont la fraicheur est toujours intacte et un rotin (sabre) sacré, si le fruit (mak yang) venait un jour à murir, il serait annonciateur de la fin du monde et de l’apocalypse. Le monarque dispose d’un certain pouvoir dont influence s’étend jusqu’au royaume khmer.
À l’aube du XX ième siècle, le roi du feu est un certain Oi At. Il réside dans son village de la vallée du Song Ba, entre la RN 14 et Ayunpa. En 1904, Odend’hal, un explorateur de l’EFEO (École française d’Extrême Orient) désireux d’étudier les ruines chame de la vallée du Song Ba rencontre Oi At. Les négociations pourtant bien entamées dégénèrent lorsque le Français demande à voir le sabre sacré. Quelques jours plus tard, l’explorateur est tué par les Jaraï, son corps jeté dans une maison enflammée. Suite à diverses opérations, la région est pacifiée en 1920 et les rois-barbares perdent leurs pouvoirs légendaires.
L’explorateur majeur du haut plateau central est Henri Maitre.
Il est premier occidental à mener une exploration approfondie de l’hinterland indochinois, à en présenter une synthèse d’une étonnante lucidité pour l’époque et ainsi à ouvrir la voie à l’ethnographie en Asie du Sud-Est péninsulaire. Son chef-d’œuvre, Les Jungles moï est l’ouvrage de référence sur le haut plateau, considéré comme une inspiration pour les chercheurs ayant œuvré sur le sujet.
Dans un prochain épisode, nous reviendrons sur certains des groupes ethniques mentionnés ci-dessus.
Lire notre article introductif sur le haut plateau central