Architectures et vieilles pierres

Les ponts couverts du Vietnam

Parmi les éléments caractéristiques de l’architecture traditionnelle vietnamienne, figure le pont couvert. Cette structure, merveille d’ingénierie, d’adaptation et d’élégance répond à des exigences pratiques et météorologiques. Découvrons leur genèse, leur architecture ainsi que les ponts couverts remarquables encore subsistants au Vietnam.

Genèse des ponts couverts

Les ponts couverts sont apparus à l’époque médiévale au XIIIème siècle, en Europe et notamment en Suisse et en Asie de l’Est, où les constructeurs ont pris pleinement conscience que la pourriture due aux intempéries et à l’eau des rivières était l’ennemi majeur du bois. Le toit permettait donc de protéger le tablier du pont au sec et lui permettait de garantir sa durabilité à plus d’un siècle, en lieu d’une vingtaine d’années pour un pont en bois sans toit. Autre facteur du vieillissement d’un pont en bois moins connu : le soleil. Par la puissance de ses rayons UV, il contribue à fortement abîmer le bois en le desséchant, en le fendillant et en l’affaiblissant avec le temps.

Le pont en bois couvert s’est vite révélé être une solution au Vietnam, sur le plan matériel tout d’abord puisque le bois était présent en quantité, contrairement aux carrières de pierre quasi inexistantes dans les régions deltaïques. Et sur le plan météorologique, où le taux d’humidité est important, les pluies de mousson puissantes et le soleil tropical irradiant de ses rayons UV. Dans les pays situés à plus haute latitude, la neige et le gel nuisaient également beaucoup à ces structures non protégées.

L’ancien pont couvert de Phat Diem.

L’architecture d’un pont couvert

Un pont non couvert était généralement constitué de deux éléments principaux : des fondations en bois, constituées de troncs entiers ou travaillés qui sont épointés et fixés profondément dans le cours d’eau ou dans des berges ; ou de fondations constitués de pilots, pieux pointus ferrés à un bout et cerclés à l’autre que l’on enfonce dans le lit d’une rivière ou d’un canal pour constituer des pilotis. Entre les piliers, une première charpente en bois est établie pour supporter le tablier. La forme d’arche restant la plus solide en la matière. S’il n’y a pas de piliers dans l’eau, une arche unique ou un tablier plat repose sur les deux berges entre deux piles appelées culées.

Vient ensuite le revêtement du tablier, constitué par un plancher de lames ou de poutres de bois (madriers). Sur les deux côtés latéraux du pont on installe ensuite le premier élément du pont couvert proprement dit : les murs. Ils peuvent s’appuyer sur la charpente du tablier ou directement sur les piliers, les culées ou les berges. Ce sont sur ces murs que vient se positionner la seconde charpente, celle de la toiture.
Cette toiture est constituée d’éléments principaux appelés fermes, de formes triangulaires, placées perpendiculairement aux murs que l’on nomme parfois gouttereaux car ils peuvent porter des gouttières. De multiples pièces comme les longerons, solives ou pannes, sont assemblées avec les fermes pour réaliser la charpente de toit. Enfin on pose la couverture, en planches ou en tuiles voire en végétaux.

Rénovation du plancher de bois (madrier) du pont couvert de Hoi An en 1986. Photo : Centre de gestion et de conservation du patrimoine de Hoi An.

Les ponts couverts en Asie du Sud-Est

En 1932, l’ouvrage “Indochine du Nord, Tonkin, Annam, Laos” de l’auteur Madrolle, aux éditions Hachette mentionne de nombreux ponts couverts dans cette région du monde. Il cite notamment un pont sur pilotis en bambou près de Son Tay, sur le fleuve Rouge ou encore le pont de Trach Moi enjambant un étang servant de vivier pour la conservation des poissons, avec un toit en forme de dos d’âne.

Bien que l’on trouve des toits en tuile comme celui de Phat Diem, la couverture de ces ponts était jadis souvent végétale comme à Xhieng Khouang, au Laos, ou à Ken ta Ka, au Tonkin. La Chine a eu des influences sur les ponts en Indochine ; on en retrouve encore trace dans les provinces actuelles de Bac Ninh et de Ninh Binh. Le Japon a également inspiré l’architecture des ponts couverts au Vietnam : le pont japonais couvert de Hoi An, construit en 1593, existe encore et est relativement bien préservé dans sa forme originelle.

Le livre “Indochine du nord : Tonkin, Annam, Laos de Madrolle publié en 1932, recense les ponts couverts de la région.

Quelques exemples remarquables au Vietnam

Le pont couvert le plus ancien subsistant au Vietnam est le pont couvert de Co Le, situé à 20 km de Nam Dinh, recouvert de feuilles de palmiers tallipot, il daterait du XIVème siècle. Toujours dans la province de Nam Dinh, le pont couvert de la pagode Luong, d’une élégance remarquable date du XVIème siècle. Dans la province voisine de Ninh Binh, le pont couvert de Phat Diem conduit à la célèbre cathédrale éponyme, datant du début du XXème siècle avec deux piliers en béton armé, il remplace un précédent pont couvert entièrement en bois.

Dans le centre du Vietnam subsistent deux structures célèbres : le premier, le pont couvert de Thanh Toan se situe dans la campagne de Hué, il date de la fin du XVIIIème siècle. Et le pont couvert de Hoi An, le plus connu, datant de 1593. Ce dernier a bénéficié d’une rénovation d’ampleur exceptionnelle entre 2023 et 2024.

Le pont couvert de Thanh Toan dans la campagne de Hué, que vous pourriez découvrir au sein de notre formule découverte de la campagne de Hué.

Légende bannière : illustration de l’ancien pont couvert de Hung Hoa.

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Quoc Anh

Voyageur sans frontières

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Publié par
Quoc Anh
Pays : Vietnam