Le 20 novembre de chaque année, est fêtée au Vietnam la Journée des enseignants, une occasion spéciale pour honorer ceux qui, par leur dévouement, ont façonné l’éducation des générations futures. Le 20 novembre marque ainsi un hommage solennel au rôle de l’enseignant, ancré dans la culture vietnamienne traditionnelle, où l’on reconnaît au maître une place d’honneur à la fois comme guide moral, intellectuel et spirituel. Dans cette optique, explorer l’évolution du respect envers les enseignants permet de mieux comprendre leur statut dans la société vietnamienne, autrefois élevé et aujourd’hui confronté à divers défis.

Le maitre, un père spirituel

Dans la culture vietnamienne traditionnelle, l’enseignant occupe une place centrale dans la hiérarchie sociale, reflétée par le principe éthique « Quan – Su – Phu » (Roi – Maître – Père). Selon cette hiérarchie, le maître, ou « thay », est considéré comme un père spirituel dont la parole et les enseignements sont essentiels à la formation morale et intellectuelle de l’élève. Cette position élevée se retrouve dans le proverbe « Khong thay do may lam nen » (Sans le maître, on n’accomplit rien), qui exprime l’idée que toute réussite dépend de l’enseignement reçu. Par conséquent, le respect pour le maître va au-delà de la simple reconnaissance des compétences pédagogiques : il s’agit d’un hommage à l’intégrité et à la sagesse que le maître incarne.

Examen des Lettrés de Ninh Binh

Examen des Lettrés de Ninh Binh

Les Vietnamiens ont toujours considéré l’éducation comme la clef du succès et de l’ascension sociale, en particulier durant les périodes féodales où l’obtention de diplômes garantissait une position honorable dans la société. Ainsi, les parents incitaient leurs enfants à vénérer leurs maîtres, convaincus que cela leur permettrait de devenir des citoyens vertueux et éclairés. Le proverbe « Muon con hay chu phai yeu lay thay» (Pour que l’enfant devienne érudit, il faut chérir le maître) témoigne de cette croyance selon laquelle la relation harmonieuse entre l’élève et le maître est le fondement de toute éducation réussie.

Vieux professeur de Hanoi

Maître calligraphe à Hanoi

Le respect du maître, un devoir moral

Les coutumes vietnamiennes sont riches en rituels qui traduisent ce respect. Lors de la Journée des enseignants, les anciens élèves rendent visite à leurs maîtres pour leur offrir des fleurs, des cadeaux et leur exprimer leur gratitude. Les familles n’hésitent pas à impliquer leurs enfants dès leur jeune âge dans ces gestes de reconnaissance, car ils incarnent des valeurs profondément ancrées dans la culture vietnamienne : respect de l’autorité, gratitude et humilité. Le proverbe « Nhat tu vi su, ban tu vi su » (Un mot appris suffit à en faire un maître) montre que, même pour une petite part de savoir transmis, l’élève doit manifester son respect et son dévouement envers son enseignant.

Une école primaire de la province de Soc Trang

Une élève d’une école primaire de la province de Soc Trang

De plus, le respect pour les enseignants s’étend bien au-delà de la salle de classe. Beaucoup d’élèves, même après avoir terminé leurs études, conservent des liens étroits avec leurs anciens maîtres, les considérant comme des mentors tout au long de leur vie. Dans la culture vietnamienne, ne pas rendre visite à son maître ou ne pas se souvenir de lui est souvent perçu comme une forme d’ingratitude.

Un métier désormais confronté à de nombreux défis

Cependant, l’évolution sociale et économique rapide du Vietnam, ainsi que l’émergence des technologies modernes, ont entraîné un changement de perception du statut des enseignants. Dans une société de plus en plus orientée vers la compétition, le respect traditionnel se heurte à des défis nouveaux. Le « bệnh thành tích » (la maladie du prestige) a poussé de nombreux établissements scolaires à mettre l’accent sur les résultats scolaires plutôt que sur la formation morale et éthique des élèves. De ce fait, le rôle du maître se trouve réduit à celui d’un simple agent de réussite scolaire, perdant ainsi une partie de son aura traditionnelle.

En outre, les disparités entre les zones urbaines et rurales persistent, accentuant les difficultés des enseignants des régions éloignées. Ces derniers, confrontés à des infrastructures limitées, à des classes surchargées et à une rémunération insuffisante, peinent à assurer leur mission d’éducation dans des conditions favorables. Ces difficultés affectent le respect perçu de la profession, surtout chez les jeunes générations qui, exposées à de nombreuses autres sources de connaissances, ont tendance à diminuer l’importance de l’enseignant.

Cérémonie des étudiants diplômés au Temple de la Littérature de Hanoi

Cérémonie d’obtention de diplôme au temple de la Littérature de Hanoi. Photo : Claude Morel

Le respect du maître, malgré les défis actuels, reste une valeur profondément ancrée dans la culture vietnamienne. Cependant, pour que cette tradition perdure, il est crucial de revaloriser le rôle des enseignants, tant au niveau matériel qu’au niveau moral. La reconnaissance de la profession passe par une amélioration des conditions de travail, une rémunération adéquate et un soutien accru pour faire face aux évolutions contemporaines. La Journée des enseignants n’est pas seulement une célébration, mais un rappel que l’enseignant est, et doit rester, le pilier sur lequel repose la construction d’une société éclairée. À travers l’hommage au maître, c’est toute la tradition éducative du Vietnam que l’on préserve et que l’on projette vers l’avenir.

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