Le maquis laotien de Xieng Khouang (ou du Trân Ninh, Tranninh) se développe à partir de décembre 1952, dénommé Malo-Servan il englobe les organisations de résistance en lien avec celles de Son La au Nord-Ouest Vietnam (maquis Cardamone) et en 1954 serviront d’arrière-base lors de la bataille de Dien Bien Phu.
La fondation
La fondation de Malo-Servan se constitue de groupes hmông sous l’égide de Touby Ly Foung. Le plateau de Xieng Khouang est de tous temps un point stratégique : qui tient le Tranninh tient l’Indochine, suivant la formule des stratèges français de l’époque ; il permet de contrôler les axes entre côtes, Tonkin et Annam, le bassin du Mékong via une série de voies et pistes, notamment la RN 7 (RC 7), celle de Nam Ngum menant vers Vientiane et celle de Sam Neua via Sam Teu.

Touby Ly Foung
Xieng Khouang
Xieng Khouang (le Nord-Est Laos ou Haut Laos) est une des régions les plus mystérieuses de l’Indochine péninsulaire, de par son isolement séculaire, l’éclat de ses massifs et de ses peuples, ses forêts ancestrales, les énigmes flottant au-dessus de l’antique civilisation mégalithique l’ayant parsemé de centaines de jarres, pierres funéraires, monolithes et pour des épisodes de la guerre secrète au Laos ; notamment le maquis Malo-Servan, la bataille du Phu Pha Thi (LS 85) et celle Long Tieng (LS 20A). Le plateau de Xieng Khouang se présente sous la forme d’une vaste étendue vallonnée à une altitude moyenne de 1300 m. Sur tous ses flancs, il est bordé de profonds ravins et de massifs escarpés formant une ceinture naturelle de protection. En son centre s’étend la Plaine des Jarres (Phongsavan), localement connue sous le nom de Khang Ma Len, la plaine des chiens qui courent.

Hmông de Xieng Khouang.
La segmentation du maquis
En 1952 des premières zones sont mises en place (organisation Malo), vers l’est une zone forme un quadrilatère entre Nong Het, Ban Pha Ke, Ban Se Bot et Ban Souk Lam ; à l’ouest une seconde zone s’étend le long de la RC 7, limitée au nord par le Phu San et Phu Cham Si ; au sud de la RC 7 une troisième zone recouvre les villages de Nam Ho, Houei Lot et Pha Luong (vers la Plaine des Jarres). En 1953, ces zones s’accroissent via l’organisation Servan constituée de quatre maquis : celui de Phu Dou (sur l’axe de Sam Neua, cent quatre-vingt-cinq hommes) ; Tra Li Noi (vers le mont Phu Sao, cent soixante-cinq hommes) ; celui de Nong Het (vers la frontière vietnamienne, cent soixante hommes) ; et celui du Phu Loi (secteur de la Nam Et, une centaine de partisans).

Carte du maquis de Xieng Khouang et de ses segmentations (fonds Desfarges, 1953)
Les premières actions
En avril 1953, cette organisation fait face à une première offensive vietminh de grande envergure. Le corps de bataille du Vietminh se déploie en trois éléments : au nord-ouest, débouchant de la vallée de Dien Bien Phu et avançant vers la Moyenne Nam Ou, au centre huit bataillons suivent l’axe de la Nam Ma sur Sam Neua et au centre la division 304 et ses neuf bataillons avance sur Nong Het depuis le Nghe An. La garnison de la Sam Neua, constituée de trois bataillons laotiens et ne pouvant faire face à une telle force, se replie sur la Plaine des Jarres ; la retraite se transforme en déroute et les maquis hmông du secteur assurent le sauvetage d’éléments isolés. Un officier français, le lieutenant Brehier décrit ainsi l’affaire … Sauve qui peut chez les Laotiens, jetant armes, cartouchières et tout ce qui les gênait ; ils disparurent dans les fossés. Impossible alors de les rattraper pour les regrouper. En parallèle la division 304 entame des opérations de harcèlement le long de l’axe de la RC 7, divers combats s’en suivent et une partie de la région tombe sous le contrôle du Vietminh, surtout vers le nord et l’est de Sam Neua.

Troupes françaises et Hmông (fonds Hmongstory legacy)
Suite des opérations et fin du maquis
Les Français lancent ensuite diverses opérations (Myosotis, Béarn) et se ré-emparent de certains secteurs dont Nong Het, un fief hmông. Entre 1953 et 1954, date du cessez-le feu, l’organisation des maquis s’étend : ceux du Phu Dou, Tha Li Noi, Nong Het (le GC 201, le plus grand) et Pha Long sont complétés par d’autres implantations à l’ouest de la boucle de la Nam Mo, un ensemble de sept cent quinze armes. Les actions des groupes Malo-Servan consistent essentiellement à repousser les incessantes incursions des forces du Vietminh, puis en 1954 lors de l’opération D. Celle-ci consiste à assister les forces du Corps expéditionnaire sur Dien Bien Phu, en harcelant l’arrière du Vietminh ou à créer des zones de recueil, cependant les groupes hmông et le capitaine Jean Sassi n’arrivent pas à rompre l’encerclement et Dien Bien Phu tombe. Après le cessez-le feu, l’organisation Malo-Servan est abandonnée par les Français, elle sera reprise plus tard par la CIA et l’USAF lors de la guerre secrète au Laos (1962-1975).
Xieng Khouang de nos jours
De nos jours la région de Xieng Khouang est pratiquement inconnue des voyageurs, oubliée, elle permet pourtant de découvrir un Laos insolite et sauvage, entre les divers sites de la Plaine des Jarres (sites N1-2-3-16-23-25-52), les menhirs de Hintang (Sankongphan et Keohintan), des communautés hmông et khmu, le parc national de la Nam Et et son Night Safari, la réserve naturelle de Nam Xang, la zone de Nong Het (pays de Touby Ly Foung et de Vang Pao), le Phu Pha Thi, l’ancienne base de Long Tieng et le site de Vieng Xai (l’ancien fief du Pathet Lao).

Plaine des Jarres (fonds Amica JSC)
