Dans la continuité des épisodes sur le haut plateau central, en cette édition, nous abordons le sujet des Sedang (Xo Dang), un groupe proto-indochinois établis en ces parages depuis la nuit des temps. De la famille austroasiatique et de langue nord-bahnarique, ils sont connus dans l’imaginaire collectif via l’éphémère royaume sedang de Marie-Charles David de Mayrena.
Les Sedang et leurs sous-groupes
400 000 dans les années 1975, désormais 127 148 âmes, les Sedang peuplent le nord du haut plateau (provinces de Kon Tum et de Quang Nam) et sont repartis en sous-groupes dont :
- les Hdang
- les Kmrang
- les To Dra
- les Ca Dong
- les Monam
- les Chau
- les Ta Tre
- les Halang.
Leur territoire borde vers le nord celui des Katu, des Jeh et des Bru, vers le sud celui des Bahnar, des Rongao, et des Hadrong, vers l’ouest, celui des Rengao, des Halang et des Alak, vers l’est, ceux des Kayong, des Todrah et des Monom.
Culture du brûlis et rizières et terrasses
Traditionnellement les Sedang sont nomades et pratiquent la culture du brûlis, maintenant remplacée par celle du riz irrigué, technique maitrisée puisque certaines pentes du Ngoc Linh (le point culminant de la cordillère annamitique) sont somptueusement aménagées en rizières en terrasses.
Les villages sedang du Ngoc Linh sont établis dans sa vallée-centrale ou à mi-pente sur différents versants du massif, sous l’orée de la grande forêt sommitale, les principales communautés étant :
- Dak Nai
- Mac Lung
- Dak Rang
- Tra Linh.
Les villages se présentent souvent sous forme circulaire autour de maisons communales aux toits pentus et parfois de fortes dimensions. Ils forment un des derniers bastions de la culture sedang.
Des maisons à l’allure de celles de Hobbits et des totems aux yeux brillants
Les maisonnées sedang paraissent minuscules, à l’instar de demeure hobbits, une basse-porte presque ronde permet d’accéder à la pièce principale, enfumée et sombre, sans fenêtre mis à part un trou noir dans la toiture par où s’échappe les fumées ; de petites alcôves apparaissent dans la pénombre. Généralement, les accès des villages menant à la lisière de la forêt sont protégés par de vieux totems effrayants, de guingois et moussus aux yeux en perle et brillants.
Des animistes en lien avec le cosmos
Les Sedang sont originellement animistes et élaborent une approche particulière de l’astronomie en associant des objets célestes à un ensemble d’analogies, en partie pour le fait de l’altitude élevée de leur territoire qui leur alloue des ciels clairs et permet des observations précises.
Les étoiles
Certaines étoiles circumpolaires sont associées aux cycles de semailles et de récoltes, l’étoile polaire par exemple, la Holong Konlong (littéralement l’étoile d’amont). Certaines étoiles sont dénommées Holong Nheang (étoiles très brillantes), dont Vénus, l’Holong Ga (l’étoile de l’aube).
Les étoiles-miroir et filantes
La Voie lactée est le Holong Nheng (les étoiles-miroir ou étoiles de verre).
Les étoiles filantes et les météores sont désignés de Holong Eak (une étoile déféquant), les Tectites (Indochinites) ou météorites parfois retrouvées au sud du pays sedang vers Kontum, sont approchées avec la plus grande des prudences puisque considérées comme des fèces des étoiles.
Les esprits-fantôme
Les comètes sont appelées Kia Xeang (esprits-fantôme), elles seraient la trace laissée par le sillage de fantômes ou de lézards se propulsant dans le cosmos, leur vue est mauvais pressage.
Les paniers à cochon
Les Pléiades localement désignées de Todrong Chu (panier à cochon, la métaphore étant que les Sedang y voient la forme du dit panier) sont utilisées comme calendrier afin de définir les moments des semis et des récoltes.
La forge du forgeron et le cerf aboyeur
L’amas stellaire des Hyades (dont la constellation du taureau) est désigné Toniam (la forge du forgeron), la constellation d’Orion est le Ta (le piège à lance, ses trois étoiles ayant une forme de lance) ; Bételgeuse, une supergéante rouge de la constellation d’Orion est le Chiu (le cerf aboyeur), la constellation de la Croix du Sud est vraisemblablement le Khia (bouclier).
Poteaux de sacrifice et constellation du scorpion
Les poteaux de sacrifice sedang, les Loang Kang Ja Pia (littéralement le totem de sacrifice de la grand-mère Pia, Pia ou Apia étant une déesse sedang, soit éléphante, soit humaine, soit fleur), d’une facture plutôt complexe représentant symboliquement la constellation du Scorpion.
Soleil et éclipses
Le soleil sert à désigner les heures de la journée :
- le soleil sortant
- le chaud
- le tombant
- et l’inondé (le couchant).
L’apparition de Kau Ka Khe (le poisson Kau qui mange la lune), une éclipse, est considérée comme un présage de mauvais augures.
Une éclipse est appelée Kdpe Ka Hai (le mille-pattes mange le soleil, un dragon chez les Chinois), durant le phénomène, les villageois sont censés suspendre leurs activités, ils doivent se regrouper, crier, hurler et taper sur des gongs et tambours afin d’aider le soleil dans son combat.
Une lune au ventre de grenouille
La lune est sujette à des soins particuliers, elle possède plusieurs noms suivant ses phases, lune-suspendue, grosse- lune, lune-moyenne, lune au ventre de grenouille.
Le royaume sedang
Dans un prochain épisode, nous reviendrons sur les Sedang, puisqu’en sus de leurs talents d’astronomes, ils sont célèbres via l’éphémère « royaume sedang », une entité fondée en 1882 par l’aventurier Marie-Charles David de Mayrena et en partie décrite par A. Malraux dans son œuvre inachevée le « Règne du Malin ».
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