Où que vous alliez, pour mieux comprendre le pays visité, il faut s’intéresser à l’origine des noms propres désignant les lieux à découvrir. En s’y attardant, nous comprenons l’histoire, les légendes, leurs rapports avec la langue, les contextes et motivations de leur détermination voire même des espèces végétales, qui se cachent derrière ces noms.
L’origine toponymique des lieux cambodgiens, emprunte beaucoup aux anciennes langues hindouistes et bouddhistes, notamment le sanskrit. Cette langue religieuse est aujourd’hui parlée uniquement que par les érudits en Inde et au Népal. Le travail de la toponymie requiert une étude d’un ensemble historique, archéologique, géographique et surtout linguistique. Les noms actuels des sites cambodgiens sont la résultante de l’évolution linguistique, entre assourdissement des occlusives, phonèmes, accentuations et phonologie de la langue khmer, longuement influencée par le sanskrit… Voici une petite liste des sites khmers les plus connus, ainsi que l’explication de leurs origines toponymiques, en s’appuyant sur les sources de Saveros Lewitz, dans son livre « La toponymie khmère », publié dans le Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient en 1967.
Cambodge
Si les cambodgiens appellent leur pays « pays des Khmers », la terminologie officielle a conservé le nom de Kambuja « né de Kambu ». Kambu était selon une ancienne légende indienne, un sage qui voyagera jusqu’en Indochine péninsulaire pour se marier à une princesse naga du nom de « Mera ». C’est le nom de cette épouse, affilié à Kambu, qui a donné le vocable khmaer, c’est-à-dire « les Khmers ».
Ratanakiri
Cette province reculée du nord-est cambodgien, provient du terme ratnagiri, signifiant « montagne contenant des pierres précieuses ».
Mondolkiri
Province voisine du Ratanakiri, le Mondolkiri tient son nom du terme Mandalagiri, signifiant « cercle, secteur, khet (province) ».
Phnom Penh
La capitale du Cambodge tient son nom d’un élément topographique, Phnom signifiant « colline » et ben « plein ». Phnom Penh veut donc dire « montagne de l’abondance ». Une autre origine toponymique, bien plus légendaire, raconte que ce petit monticule aujourd’hui situé au Nord du centre-ville, est le lieu d’origine de la fondation de la cité. Une certaine dame âgée, Mme Penh, aurait trouvé dans le creux d’un arbre charrié par la crue du Mékong, quatre statues de Bouddha. Elle fera ériger ce monticule et un petit sanctuaire à son sommet, pour abriter le trésor.
Tonlé Sap
Le plus grand lac du Cambodge provient du mot Tonlé, du khmer danle, signifiant « fleuve » et de Sap « aux eaux douces ». Le terme « fleuve » est à prendre ici au sens plus large et plus ancien donné par les siamois qui y voyait une mer. Tonlé Sap veut donc dire « vaste étendue d’eau douce ». A noter que les principaux affluents du Mékong et du Tonlé Sap, portent le nom de stung, comme la rivière Stung Sen.
La rivière Bassac
Ce nom veut dire « puissance, honneur », formé du préfixe pa et de sakti (se prononçant sak par la chute du i final), il a donné son nom à toute une région : le pays Bassac, désignant toutes les terres khmères conquises par la suite, par les vietnamiens, du delta du Mékong.
Mékong
Le plus grand fleuve d’Asie du Sud-Est revêt une importance capitale pour les khmers. Selon les premiers écrits, il vient de l’indianisme Me Ganga signifiant « le fleuve par excellence ». Puis les européens l’ont attesté dans plusieurs documents au 16ème siècle, sous les formes de Meccon, Mécon et Meccom. Depuis, si l’origine thaïe ou lao donnée au fleuve n’est pas encore attestée, le nom actuel Mékong provient du terme Menam Khong, signifiant « mère des eaux ».
Kampong Cham
le mot kompong est hérité des Indonésiens et veut dire « bord de l’eau, embarcadère, port ». Kompong Cham veut donc dire « Port des Chams ». C’est l’un des sites où les ancêtres chams provenant de l’Indochine insulaire (Malaisie) et d’Indonésie se sont convertis à l’Islam.
Toponymie végétale
De nombreux sites et villages portent le nom de regroupement de végétaux : Prey « forêt », Chbar « petite plantation », Taran « clairière », etc. mais aussi des noms empruntés à la faune : Damrey « éléphant », Khla « tigre », etc.
Kep
Cette ancienne station balnéaire, très prisée durant la colonisation française, signifie en khmer « selle de cheval ». Elle est aujourd’hui connue pour son calme, son climat agréable et pour son marché aux fruits de mer.
Kampot
Ville voisine de Kep, Kampot est une cité au charme surrané, célèbre pour son poivre, est une ville du Cambodge, capitale de la province homonyme. Son nom signifie « tétraodon » en khmer.
Sihanoukville
La ville portait un autre nom, Kampong Saom, qui signifie « port agréable ». Elle a été rebaptisée en 1958, en l’honneur de l’ancien roi du Cambodge, Norodom Sihanouk. Acteur principal de la reconstruction et de la modernisation du principal port du Cambodge.
Koh Rong, Koh Rong Samloem, Koh Kong, etc.
Toutes les îles du Cambodge commencent par le terme de koh : « l’île ».
Siem Reap
Certainement la plus politique des origines toponymiques des sites du Cambodge ! Siem Reap évoque la confrontation historique entre la civilisation Khmère et les Siamois, aujourd’hui les Thaïlandais. Siem Reap signifie « Siamois terrassés », en hommage à une ancienne bataille victorieuse des Khmers.
Toponymie religieuse
- Angkor Thom : « La grande cité »
- Angkor Vat, de Nagar Vatt : « la cité monastère »
- Brah > preah : « divinité, être sacré, Bouddha ». Ce terme a donné son nom à de nombreux temples : Preah Vihear, Preah Khan, etc.
- Ba, pâ : préfixes courants signifiant « mâle, père ». Il a donné notamment son nom au temple du Bayon (pâ yantra), œuvre de Jayavarman VII, ce magnifique temple situé dans le parc archéologique d’Angkor, est construit sur un plan circulaire rappelant un yantra.
- Ta : préfixe alloué aux monuments d’importance secondaire, dédiés à d’autres personnages que les souverains eux-mêmes : le fameux temple de Ta Keo « Temple de la montagne » a été construit au 10ème siècle et le Ta Prohm, le fameux temple aux racines, ont tous les deux été construits par le roi Jayavarman VII à la mémoire de sa mère et du grand-père Brahma.
Merci pour ce très intéressant article!
Connaissez-vous cette étude de Savero Lewitz (Pou)?
https://www.persee.fr/doc/befeo_0336-1519_1967_num_53_2_5052?q=La+toponymie+khm%C3%A8re+saveros
Cordiales salutations!
Yann de Caprona
Très intéressant.. D’où sortez vous cette carte de 1760 ? J’aimerais bien examiner de plus près les noms de villes et les parties manquantes en Thailande et au Laos ( luang prabang, par exemple )
Bonjour Rémi,
Nous l’avons trouvée dans un album d’archives. Vous pouvez nous communiquer une adresse email, afin que je puisse vous l’envoyer par mail ?
Belle journée à vous
L’équipe 360 Indochine, blog d’Amica Travel.