Dans ce papier nous nous intéressons à la famille de Dong Khanh (né Nguyen Phúc Ung Ky ou Nguyen Phúc Ung Duong), le 9ème souverain de la dynastie Nguyên, qui aura neufs descendants, et notamment la princesse Ngoc Son, dont la maison-jardin en bordure de la cité impériale de Huê fait partie des derniers témoins sur pied de l’histoire dynastique du Vietnam.

Histoire du clan familial des Nguyên

Avant de se pencher sur la vie familiale de Dong Khanh, il semble opportun d’étudier le passé du clan familial des Nguyên qui peut se conter en deux périodes distinctes : celle des seigneurs shogounaux qui gouvernent la partie sud du Vietnam, la dénommée Cochinchine, de 1558 à 1802, et celle de la dynastie royale des Nguyên qui règnent sur tout le Vietnam de 1802 à 1945.

La cité impériale de Hue, par Tran Quang Tran, École Supérieure des Beaux-Arts de l'Indochine, promotion 1932.

La cité impériale de Huê, par Tran Quang Tran, École Supérieure des Beaux-Arts de l’Indochine, promotion 1932.

Les seigneurs shogounaux du Vietnam

La première période est associée à l’expansion territoriale vers le sud, la fameuse « marche vers le sud » qui se produit progressivement et de manière relativement pacifique et libérale grâce à l’essaimage de dôn dien, colonies militaires créées dans un objectif d’appropriation territoriale progressive et de défense contre les voisins belliqueux ; conjointement à une transformation des terrains assimilés généralement réformés en rizières. Cette poussée vers le sud, à l’image de la poussée vers l’est (Drang Nach Osten) allemande du XIIè au XIVè siècle, assoit la domination des Seigneurs Nguyên qui réalisent une œuvre remarquable dans l’agriculture, l’artisanat et le commerce extérieur, non sans troubles internes entre membre du palais, et rivaux politiques dont les Trinh au Nord, puis les Tây Son, qui se mettent à la tête des masses paysannes pour se révolter en 1771, et fonder leur dynastie en 1788. Un triomphe fulgurant mais tout aussi rapidement mis sous cloche à la suite de la mort de son fondateur Nguyên Huê (alias Quang Trung), qui ne peut compter sur son héritier pour poursuivre son œuvre car étant incapable de résister à Nguyên Anh (alias Gia Long) qui monte sur le trône en 1802 et crée la dynastie royale des Nguyên.

La dynastie royale des Nguyên

Vient ainsi cette seconde période qui se divise en deux phases : celle de l’indépendance nationale, de 1802 à 1883, et celle du protectorat français de 1883 à 1945. Cette première phase où règnent respectivement Gia Long (1802-1820), Minh Mang (1820-1841), Thieu Tri (1841-1847), et Tu Duc (1847-1883) est synonyme de réunification et de stabilité du pays et de montée en puissance, bien que l’empire soit marqué par l’absolutisme, l’immobilisme, le manque d’ouverture à l’Occident (et au christianisme considéré comme perverse), et le refus de moderniser le pays, considérant la science et la technique comme ingrédients de barbarie, que de certains observateurs relèveront comme des prétextes à l’invasion française qui suivra.

Cette politique de la porte fermée enveloppée de persécutions auprès des catholiques amène finalement Tu Duc à capituler devant l’offensive française et ouvre la seconde phase, celle du protectorat français où se succéderont neuf rois : Duc Duc (1883, règne de trois jours), Hiep Hoa (1883, assassiné après quatre mois de règne), Kien Phuc (1883-1884), Ham Nghi (1884-1885), Dong Khanh (1885-1889), Thanh Thai (1889-1907), Duy Tan (1907-1916), Khai Dinh (1916-1925), et enfin Bao Dai (1925-1945) le dernier empereur de la dynastie Nguyên. Une période où ces rois fantoches prônent un collaborationnisme affirmé à l’égard de l’occupation française.

Aquarelle de Marius Hubert Robert

Le tombeau de Minh Mang. Aquarelle de Marius Hubert Robert (1885-1966)

L’empereur Dong Khanh

Dong Khanh, est le fils aîné du prince Nguyen Phúc Hong Cai (ou Kien-Thai-Vuong) – le frère de Tu Duc qui est le vingt-sixième fils de l’empereur Thiêu Tri – et également le grand-frère de Kien Phuc. Ne disposant d’aucun héritier, son oncle Tu Duc l’adopte et lui donne le titre de Duc de Kiên Giang. À la prise de la cité impériale par l’armée française, le jeune empereur Hàm Nghi prend le maquis – dans la base militaire de Tan So à Quang Binh – sous l’initiative des régents de la cour Nguyen Van Tuong et Ton That Thuyet ayant orchestré un attentat contre le général Henri Roussel de Courcy. Ce dernier, avec le résident de Champeaux de France incitent l’impératrice douairière Nghi Thiên à introniser le demi-frère aîné de Hàm Nghi, le prince Nguyen Phúc Ung Ky.

L'empereur Dong Khanh

L’empereur Dong Khanh (Nguyen Phúc Ung Ky)

Le règne de trois ans, quatre mois et neuf jours de Dong Khanh accuse un démarrage en demi-teinte, car sans autorité sur les étrangers, ni sur la classe dirigeante des lettrés ayant fait cause commune avec le régent Thuyet. Il connait par la suite un large soutien des autorités françaises qui soulignent sa fidélité à remplir ses obligations à leur égard et la sympathie de ses engagements envers la France. Fin intellect féru de littérature, ce jeune empereur affable observe une conduite envers ses frères et parents en parfaite harmonie avec les principes du Confucianisme et adopte volontiers les coutumes étrangères, d’une manière qui surpasse celle de beaucoup de ses compatriotes.

La princesse Ngoc Son

De ses onze concubines, il obtient neuf descendants directs dont six fils (incluant Nguyen Phúc Buu Dao, le futur empereur Khai Dinh), et trois filles, dont la princesse Ngoc Son (Nguyen Phuc Di Hy, souvent appelée à tort Hy Hy).

Vêtements traditionnels vietnamiens de la dynastie Nguyen

Vêtements traditionnels vietnamiens de la dynastie Nguyen

La princesse Di Hy est la deuxième fille de Dong Khanh, et la seule qui atteint l’âge adulte. Elle se marie avec le commandant en chef Nguyen Huu Tien, responsable militaire de l’empereur Khai Dinh, et fils de l’académicien Nguyen Huu Thang, un haut mandarin de la dynastie. De leur union naît une fille, mais la princesse tombe rapidement malade et décède à l’âge de vingt ans. Suivant les souhaits de sa conjointe, le prince consort Tien se remarie avec une princesse royale, la princesse Thi Tran, fille du prince Kien Quan Ung Quyen, frère cadet de Dong Khanh. Sept enfants seront le fruit de ce mariage. En 1917, l’empereur Khai Dinh honore à titre posthume sa jeune sœur Di Hy, la princesse Ngoc Son, en lui conférant le titre posthume de Trang Nha.

La rivière des parfums

Charles ULMANN (XIXe-XXe) – La rivière des parfums à Huê.

La maison-jardin de la princesse

En 1921, non loin du point de confluence de la rivière Dong Ba, et de la rivière Huong (communément nommée rivière des Parfums), Nguyen Huu Tien construit une maison-jardin en mémoire de sa défunte femme, un lieu où il demeure avec sa femme et leurs sept enfants. Depuis plus de 90 ans, les descendants de Nguyen Huu Tien, et notamment Mme Nguyen Thi Suong, sa petite-fille, qui en est désormais l’officielle propriétaire, protègent, vénèrent et préservent ce site historique avec son mari Phan Thuan An, un historien célèbre de Huê. Un esprit transmis à leurs trois enfants, qui travaillent dans le domaine de la préservation et du patrimoine de la ville.

La Princesse Ngoc Son

Portrait de la Princesse Ngoc Son

Comment visiter cette demeure ?

Aujourd’hui, cette maison-jardin se visite en compagnie de l’un des trois enfants en question : Phan Thuan Thao, docteure en Études culturelles, spécialisée sur la musique de chambre impériale, qui a participé à la constitution du dossier d’inscription de la musique Nha Nhac de la cour royale de Huê au patrimoine mondial immatériel de l’UNESCO ; ou sa sœur Phan Thuan Y, spécialisée sur la préservation de l’architecture de Huê et de ses provinces avoisinantes. En ces lieux, explications sur les caractéristiques singulières d’une maison-jardin qui se base sur les principes du Feng shui, un modèle d’harmonie entre architecture et nature, ainsi que sur l’histoire royale de la famille tout en découvrant une pléthore d’artefacts et d’archives exceptionnelles de la dynastie Nguyên, avec en prime une dégustation de spécialités régionales.

En savoir plus

 Sur l’histoire de la dernière impératrice du Vietnam   Sur Huê, sa cité impériale et son patrimoine historique 
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