Engagée sa vie durant dans le domaine des arts, du Far West du Montana aux côtes orientales de New York et du Japon, Suzanne Lecht est une directrice artistique reconnue comme une autorité en matière d’art contemporain au Vietnam.
Un article intriguant
Après la disparition soudaine de son mari en 1992, avec qui elle vie au Japon depuis plusieurs années, Suzanne est en quête d’un nouvel horizon, d’une nouvelle passion sur laquelle axer sa vie. Après divers séjours à Beijing, Shanghai, Hong Kong, Bangkok, ou encore Chiang Mai, le destin l’amène à lire un article de Nora Taylor publié dans le Vietnam Investment Review, la ”Bande des Cinq” de l’Art : ceux qu’il faut surveiller organisent une troisième exposition commune d’art du cœur. Un papier qui l’interpelle immédiatement.
La Bande des Cinq
Formé à Hanoi en 1983, la Bande des Cinq comprend Hong Viet Dung, Ha Tri Hieu, Dang Xuân Hoà, Tran Luong et Pham Quang Vinh, un groupe de peintres à la fois célèbre et mystérieux, qui constitue l’une des premières formations d’artistes dans le Vietnam d’après-guerre. Ces cinq hommes se réunissent pour réaliser quelque chose de nouveau. À l’époque, le domaine de l’art est encore sous la dépendance des décisions du gouvernement. Le message est clair, les œuvres ordonnées par les autorités doivent se conformer au romantisme ou à la propagande ; le reste étant considéré comme illégal.
Une vague de renouveau dans un pays en métamorphose
Véritables observateurs de leur pays en mutation, le petit groupe d’artiste commence à peindre leur espoir, leur rêve et leur vie spirituelle intérieure qu’ils exposent dans leur propre studio, sans public. Un laboratoire d’idées artistiques qui se libère dans les années 1990, période d’ouverture du pays, au même titre que l’écriture, la littérature ou le cinéma. Ce groupe suit la vague de transformations de l’art vietnamien que connait la période post-Doi Moi, nom donné aux réformes économiques lancées en 1986 dans le but de créer une “économie de marché à orientation socialiste”. Ces pionniers de l’abstraction deviendront l’une des figures les plus importantes de la scène artistique contemporaine du Nord-Vietnam d’après-guerre.
L’Art comme chemin de paix
Intriguée par leurs œuvres d’art novatrices qui fusionnent l’Orient et l’Occident avec des symboles et des compositions asiatiques emblématiques, Suzanne se met à rêver. Elle décide de s’expatrier dans ce pays au passé tragique et douloureux en se donnant pour mission de retrouver la Bande des Cinq afin de les aider à sortir de l’ombre de la censure et de l’embargo américain. Une chance de collaborer avec ces artistes extraordinaires qui symbolisent un élan d’espoir et de paix, et de servir, d’une certaine manière, de pont interculturel grâce au pouvoir de guérison des arts.
Hasard du calendrier ou destinée, Suzanne est invitée à déjeuner dans la maison de l’un des Cinq, Pham Quang Vinh, grâce à Phuong un viet-kieu de retour aux sources, qu’elle rencontre au musée d’Ho Chi Minh lors de sa première journée sur Hanoi, en janvier 1994, un an et demi avant le rétablissement des relations diplomatiques entre le Vietnam et les États-Unis. L’hospitalité de cette famille qui l’accueille à bras ouvert n’aura d’égal que la succulente cuisine qu’on lui y sert. L’invitation se poursuit vers le studio de Ha Tri Hieu, un autre membre des Cinq. La magie opère, l’histoire commence.
Le nouveau visage de Hanoi
Dès lors, Suzanne s’emploie à mettre en lumière des artistes locaux d’exception, singuliers et passionnés dans leur expression. En juin 1997, à l’occasion de la rétrocession de Hong Kong à la Chine, et de pair avec Percy Weatherall, l’ancien PDG de Hongkong Land, l’un des promoteurs les plus anciens et les plus prestigieux d’Asie, elle organise à Hong Kong l’exposition artistique « le nouveau visage de Hanoi » qui met à l’honneur les œuvres d’art de Nguyen Quân, artiste, critique d’art et mentor de la Bande des Cinq, Thành Chuong, réputé pour ses laques monumentales, son cher ami Pham Quang Vinh, ainsi que deux jeunes artistes émergents Lê Quang Hà et Pham Minh Tuan. Un évènement qui sera le premier d’une longue série.
Art Vietnam Salon Gallery : un pont entre traditions et modernité
En 1994, désireuse de présenter l’art contemporain et la culture ancienne du Vietnam dans une atmosphère authentique, Suzanne crée, à l’aide des bonnes grâces de Pham Quang Vinh, le Art Vietnam Salon Gallery. Cet établissement établi en périphérie sud de Hanoi se compose d’une imbrication insolite d’une maison thaï blanc sur pilotis importée de Mai Chau, placée au sommet d’une base de deux étages construits pour ressembler à une pagode traditionnelle.
Une humble et paisible demeure garnie d’un mobilier et d’ornements fabriqués par des artisans du bois talentueux sous les inspirations des deux commanditaires. Aujourd’hui, cette galerie d’art qui symbolise l’amour et l’admiration que Suzanne porte au Vietnam, a contribué à établir le marché international de l’art vietnamien contemporain. À l’avenir, Suzanne l’espère, ce lieu mondialement reconnu deviendra un centre de recherche artistique et une plaque tournante d’évènements culturelles pour les chercheurs, artistes, et collectionneurs.
L’Art du Vietnam : une immersion au cœur de la capitale
Pour les amateurs d’art en séjour dans la capitale, rencontre de Suzanne Lecht pour s’immerger dans l’histoire de l’art au Vietnam et de ses particularismes. Présentation de l’exposition actuelle et mixte présentant, entre autres, les sculptures en laque de Lê Thua Tien, et en bronze de Nguyen Thi Chinh Lê, les calligraphies nôm de Le Quoc Viet, les œuvres aux multiples facettes du plus ancien artiste représenté, Nguyên Cam, les photographies en relief de Nguyen The Son, ou encore les créations de Dinh Thi Tham Poong, cette artiste née à Lai Chau en 1970 d’un père muong, et d’une mère thaï blanc qui associe des images de son propre héritage Muong à un paysage visuel surréaliste.