En cette édition, Amica Travel aborde le sujet du haut plateau central et y reviendra via une série d’épisodes.

Caractéristiques

Le haut plateau central s’étend entre la Mer de Chine du Sud (Mer de l’Est) et le bassin du Mékong, entre le sud Laos, le centre Vietnam et l’est du Cambodge. La région forme un ensemble complexe de plateaux bossués et de massifs montagneux, elle est célèbre pour ses groupes ethniques proto-indochinois.

Il y a à peine un siècle, le haut plateau apparaît comme une succession de plateaux couverts d’une brousse épineuse et de marais insalubres d’où émergent des volcans éteints surplombés par un entrelacs de massifs tourmentés, enveloppés de forêts insondables et tailladés de rivières impétueuses.
Le pays est tenu par les Proto-Indochinois (les Montagnards), Austronésiens de la péninsule ou Austroasiatiques, soit une quarantaine de groupes, paysans de la forêt, vivant dans la crainte de divinités tutélaires, au gré des essartages, des moussons, de conflits ou de querelles claniques.

Raquelle Azran - 1926

Un Montagnard dessiné par Raquelle Azran – 1926

Une géographie tourmentée

Le haut plateau se compose d’une série de massifs localisés et de plates-formes étagées et parfois volcaniques. À la fin du Tertiaire, des cassures permettent à des flux de lave de s’échapper, de partiellement recouvrir le piémont de la région (la haute Cochinchine) et en se refroidissant de former des petits plateaux (le Haut Chhlong, Dak Nong et le secteur de Blao).

  • Au nord, la région est dominée par le Ngoc Linh (point culminant de la cordillère annamitique) ;
  • Vers l’est, une longue ligne constituée de massifs maritimes borde la côte (la Mère et l’Enfant, O Kha, Hon Ba et le Nui Chua) ;
  • A l’ouest, l’altitude s’abaisse assez progressivement jusqu’aux plateaux gréseux du môle cambodgien qui séparent le haut plateau du bassin du Mékong ;
  • Un arc montagneux ferme le sud, il se compose de sommets granitiques dont les monts Nam Ngu, Ta Dung, Bonom M’Hai, Bon Trao et Bra Yang. Ces hauteurs sont séparées par des nappes basaltiques, notamment celles du Tankar Boddang, du haut Chhlong et du Dong Nai. Le relief s’y caractérise par de longues crêtes aplanies localement nommées « Dang » et par des vallées en baïonnettes dont les cours sinueux affluent vers le Dong Nai.
Forêt du Yok Don

Forêt du Yok Don

Les milieux naturels

Avant les années 1950 et encore de nos jours de façon localisée, le haut plateau recèle de nombreux milieux naturels et présente un aspect sauvage. S’y retrouvent diverses formations naturelles :

  • La forêt dense humide ;
  • La forêt dense caducifoliée avec ses variantes : forêt dense caducifoliée sur terres brunes et forêt dense caducifoliée sur terres rouges ;
  • La forêt sèche caducifoliée (ou forêt-clairière) ;
  • La forêt maritime ;
  • La pinède ;
  • La savane ;
  • La prairie-steppe ;
  • Des zones de marécages ;
  • Des zones de végétation côtières.

Les groupes proto-indochinois

Une trentaine de groupes minoritaires s’y répartissent ainsi :

  • Les Katu, les Bru, les Ro Man, les O Du et les Brau occupent sa partie septentrionale ;
  • Un peu au sud apparaissent les Sedang, les Jeh, les Rengao et les Hre, leur territoire s’étalant entre le mont Ngoc Linh et Kontum ;
Totemisme

Totémisme sedang

  • Les Bahnar, les Hroi, et les Jaraï occupent la région de Pleiku ;
  • Plus au sud, le Dac Lac est occupé par les Edé (Rhadé), les Mnông et les Bih ;
  • Le sud est le pays des Cau Maa’, des Coho (Sre) et des Stieng, dernier groupe avant l’implantation khmère.
Cau Maa

Cau Maa’ du sud du Haut-Plateau

Le haut plateau et le Champa

Les premiers scellements humains remonteraient à vers 80 000 Av. J.-C., essentiellement des groupes môn-khmer (certaines sources dateraient ces implantations à des périodes bien plus anciennes). Au début du II ième siècle, des peuples malayo-polynésiens d’origine insulaire s’installent dans les savanes maritimes des côtes, puis s’infiltrent graduellement dans les montagnes (Jaraï, Edé, Raglaï et Churu). Au début du IV ième siècle, les Cham fondent un royaume marin indianisé le long des côtes.

Ede

Édé du Dac Lac

Entre les II ième et X ième siècle, les Cham établissent des liens avec le haut plateau, relations de vasselage et commerciales, fournissant au Champa une grande partie d’articles précieux sous forme de tributs ou d’échanges. L’existence des échanges entre Proto-Indochinois et Cham est rapportée par les analystes chinois, ils dépeignent ainsi de la région : …  C’est l’extrême limite des pays nominalement soumis à la domination chinoise ; une région dangereuse et impénétrable dont les populations étaient si sauvages qu’elles ne connaissaient que la pêche et la chasse, et ne savaient pas cultiver la terre. Elles restaient insoumises et se soulevaient continuellement, envahissant les centres où demeuraient les fonctionnaires chinois, razziaient, pillaient, tuaient, puis se retiraient devant les renforts et se refugiaient dans leurs forêts impénétrables… (Maspero, le Royaume de Champa, P 45-46).

Stieng

Les Stieng

À partir du X ième siècle, les rapports entre le Champa et les hauteurs deviennent plus étroites, les rois cham y lèvent des troupes, y cherchent et trouvent épouses et concubines. Les échanges commerciaux fonctionnent suivant un schéma de vases communicants : diverses caravanes se croissent, soit en route pour les hauteurs ou vers les plaines côtières où les minoritaires mènent un voyage annuel afin d’y troquer gongs, jarres en fer et produits forestiers contre des produits essentiels dont le sel et les poissons séchés.

La région se désenclave mais en parallèle offre toujours des zones-refuges face à la poussée du Dai Viêt et face aux invasions mongoles (1283-1285). Avec le déclin du Champa (1471-1835) les groupes ethniques s’organisent en confédérations indépendantes, notamment les Sedang, les Bahnar, les Jaraï et les Cau Maa’. La porte des montagnes se referme et se réouvrira avec les premières missions d’explorations des Français.

À suivre dans un prochain épisode.

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