Thong Nong est un massif calcaire reculé situé dans le nord-ouest de la province de Cao Bang, à la frontière chinoise. Le fait qu’il n’y a encore pas si longtemps Thong Nong soit inaccessible et complètement reclus depuis l’époque coloniale le classe dans la catégorie des derniers confins du Nord Vietnam.
- I. Un ensemble géographique au bord de la frontière chinoise
- II. Qui constitue l’extrémité orientale de l’Himalaya
- III. À la faune et flore singulière
- IV. Où prospèrent des groupes ethniques méconnus
- V. Des voies de communication abruptes, dignes de temps immémoriaux
- VI. Une géographie stratégique durant les conflits armées indochinois
- VII. Les projets solidaires d’Amica Travel
- VIII. Comment découvrir cette région ?
- IX. Un aperçu du massif en vidéo
Un ensemble géographique au bord de la frontière chinoise
Le massif de Thong Nong appartient à la région du Nord-Est Vietnam, un ensemble géographique et humain longeant la frontière chinoise à l’extrême nord Vietnam, entre la faille du fleuve Rouge et la baie d’Halong. Le Nord-Est Vietnam est connu pour la somptuosité de ses massifs calcaires, pour la variété de ses peuples et pour les combats de la RC4 qui s’y déroulèrent de 1947 à octobre 1950. La région est formée par une succession de massifs compacts, de sommets trapus, de murailles vertigineuses et de plateaux arides hérissés de pitons, creusés de dolines, de vallées sèches, de ravins brumeux et par endroit de canyons comme ceux du Song Chay et du Nho Que, sombres abîmes s’enfonçant verticalement de mille deux cent mètres en contre-bas.
Les grands massifs du Nord-Est Vietnam sont granitiques, schisteux ou calcaires et sauvagement enchevêtrés, globalement ils s’alignent sur un axe nord-ouest – sud-est. A l’ouest, la région Nord-Est est délimitée par la faille du fleuve Rouge et par le plateau de Bac Ha, un peu plus vers l’est se dresse le massif du Tây Con Linh, massif granitique et compact, point culminant du Nord-Est (2427 m) et dont la partie sud-est surplombe la vallée de Ha Giang elle-même dominée au nord-est par le Phu Tha Ca, second point culminant (2276 m). Non loin, vers le nord, s’élèvent le massif de Can Ty et le plateau de Dong Van. Vers l’ouest, des massifs comme ceux de Thong Nong, Mo Xat, Pia Ouac, Tap Na et Lung Sun forment d’imposantes murailles puis s’affaissent doucement vers le Golfe du Tonkin et la baie d’Halong, masse de pitons immergés formant la limite orientale de la région.
Qui constitue l’extrémité orientale de l’Himalaya
Thong Nong et Mo Xat, le massif voisin, sont les ramifications méridionales d’immenses massifs calcaires se plissant depuis le centre du Yunnan sous la poussée de l’Himalaya. D’aspect rectangulaire, Thong Nong s’étend sur une quarantaine de kilomètres, sur un axe nord – sud-est entre la Chine et le Vietnam. Sa façade nord-ouest domine les gorges du Haut Song Gam, sa partie boréale, aux trois quarts en Chine, forme un socle rectangulaire et escarpé ; son versant occidental surplombe des collines et des crêtes schisteuses ondulant mollement vers le district de Bao Lac et le village lolo noir de Khuoi Khon ; ses flancs orientaux escarpés font face au massif de Mo Xat et surplombent la vallée de la rivière Tse Lao ; son versant méridional, également abrupt domine le bourg de Tinh Tuc et au loin le massif du Pia Oac (1911 m).
Thong Nong est constitué par un ensemble chaotique d’innombrables pitons calcaires et de sommets entrecoupés de petites vallées encaissées et de cirques boisés. Son point culminant est le mont Nam Giam (1724 m). Ses sommets principaux sont le Nui Dinh Deng (1517 m), le Mi Luong (1456 m), le Lung Tay Dum (1245 m), le Nui Co Pec (1478 m) et vers le sud, le Nui Nguom Puc (1367 m). Une série de petites vallées méandrent vers le cœur du massif situé sous le mont Mi Luong et au-dessus du hameau de Coc Phat. Au nord-ouest du massif, non loin des gorges du Haut Song Gam s’étend Dong Mu, une vallée d’altitude verdoyante. Quelques ruisseaux et cours dont le Song Niao s’échappent de ses hauteurs et viennent alimenter le Song Gam et la Tse Lao.
À la faune et flore singulière
Des poches de forêt dense croissent dans le centre du massif, s’y développent des dipterocarpus alatus, des lythraceaes, des palmiers ban-ban géants, des fougères arborescentes. Dans ses profondeurs survivent gibbons noirs, pythons molures, des oiseaux rares et il y a encore une dizaine d’année il est fréquent d’y rencontrer des panthères et des ours du Tibet, la présence vagabonde de ces derniers expliquant le fait que certains hameaux soient palissadés afin de se prémunir des visites nocturnes, les ursidés étant attirés par les dépôts de maïs engrangés dans les greniers des maisonnées.
Où prospèrent des groupes ethniques méconnus
Dans les temps anciens, Thong Nong est peuplé par quelques petits groupes môn-khmers, vraisemblablement des Khmu, vers le Xième siècle, Nung et Thô s’installent dans le massif, essentiellement dans ses vallées. Il y a deux siècles environ, Hmông, Dao et Lolo notamment immigrent de Chine et s’installent sur les sommets et les contre-pentes. Les Hmông cultivent bananiers, maïs, chanvre et quelques légumineuses, ils pratiquent la culture sur brûlis, des fumées encore chaudes de leurs parcelles barrent parfois l’horizon. Ils élèvent une race de cochons de montagne, parfois à l’allure de sanglier, au ventre trainant à terre, aux pates courtes, parfois noirs ou à robe grise tachetée de noir. Quelques familles possèdent des bœufs maigrelets à l’allure de zébus, d’autres élèvent des buffles endémiques et majestueux. Les Hmông sont à l’origine animistes et perçoivent dans les montagnes, les forêts et les rivières la résidence de génies plus ou moins bienveillants.
Au pied des pitons calcaires, dans des vallées ou dans des cirques, Tày et Nung, pratiquent la culture du riz irriguée et sont devenus maîtres dans l’aménagement des rizières en terrasses.
À propos des habitations hmông de Thong Nong
Ces demeures, des cases exactement, sont construites à même le sol en planche, des anciennes en terre battue. Habituellement les lieux sont divisés en deux parties :
- La case principale composée de deux ou trois alcôves, une grande pièce enfumée, des greniers où s’amoncèlent du maïs séché
- La case annexe ou une terrasse couverte qui font office de cuisine où fume un four en terre cuite destiné à faire cuire la pitance des cochons
Certaines cases étant délabrées et encombrées, entre 2012 et 2020 Amica Travel y développe le Thong Nong Project dont un des buts est de rénover des maisons.
Des voies de communication abruptes, dignes de temps immémoriaux
Depuis peu, quelques voies empierrées sont aménagées pour désenclaver le massif et les populations, ses parties nord et centre restent reculées, seules quelques sentes relient des hameaux ou des maisonnées isolées sous les sommets où des familles subsistent en presque totale autarcie. Les sentes hmông se faufilent entre cirques et falaises, elles ne connaissent pas les lacets et gravissent presque verticalement les pentes. Les pistes et les chemins du Nord Vietnam sont traditionnellement tracés sur des lignes de crêtes, disposition commune des civilisations les plus diverses, qu’il s’agisse des voies royales perses ou des chemins incas ; les raisons étant d’éviter les fonds de vallée souvent insalubres, recouverts de végétation impénétrable, de marais, propices aux embuscades et en saison des pluies fréquemment barrés par éboulements pierreux et glissements de terrain.
Une géographie stratégique durant les conflits armées indochinois
Le fait que la partie nord de la RN4, l’ancienne route coloniale N4 (RC4) serpente sur les flancs sud du massif et que sa façade septentrionale soit en partie en Chine confèrent un aspect stratégique au massif.
Au temps de l’époque coloniale
L’armée française construit une série de pistes et de ponts sur ses contreforts et une autre allant vers le centre et le mont Mi Luong. D’après les locaux y est construit un aéroport de montagne, une petite piste pour avion de reconnaissance. La piste est protégée par un poste, il est attaqué par le Vietminh en 1950, ce dernier affamant la petite garnison.
Durant le conflit sino-vietnamien
A l’instar d’autres massifs du Nord-Est, en 1979, suite à l’invasion des divisions chinoises qui s’engouffrent via la vallée de la Tse Lao, les minoritaires et des Vietnamiens trouvent refuge dans le centre du massif et s’y dissimulent plusieurs mois. Les Chinois désireux de protéger leur allié khmer rouge et leurs intérêts dans le sud indochinois décident d’attaquer le Nord du Vietnam. A l’aube du 17 février, des points de la frontière sont bombardés, prémices à une attaque massive menée par onze armées chinoises. Les Chinois réalisent que leur technique d’assaut frontal n’est pas opportune, ils endurent des problèmes logistiques et sont de surcroit confrontés à la supériorité des soldats vietnamiens aguerris par des dizaines d’années de guerre, le front se stabilise. Les Chinois finissent par se retirer.
Les projets solidaires d’Amica Travel
Entre 2007 et 2020, Amica Travel organise des missions de reconnaissance dans le massif, en découle le développement d’une micro-économie liée au tourisme et la création de Thong Nong Projet, notamment des modules d’immersion chez des Nung et des Lolo, un trekking traversant le massif et la reconstruction de maisonnées hmông.
Excellent travail